Dans l’eau, je me sens léger. Je me dépasse, je peux pleinement m’exprimer. Rien ne semble pouvoir m’arrêter. Comme diraient les jeunes, je peux tout déchirer. Je ne suis pas invincible mais je peux quasiment tout faire. Ce ne sont pas des paroles en l’air.

Sur Terre, je cumule les galères. Je ne peux ni courir ni sauter. Je ne peux que difficilement marcher. Dans un fauteuil roulant, j’ai bien failli rester cloué. Je ne vous dirai pas pourquoi, ce ne sont pas vos oignons. En revanche, si vous me le permettez, je vais vous détailler ma situation.

Certains jours, je ressemble à un vieux pépé. Mes batteries sont complètement déchargées. Pour cause : en guise de jambes, la nature m’a offert deux vieilles cannes usées. Résultat des courses : je me déplace sur la pointe des pieds, ne peux m’empêcher de boiter. Pour l’équilibre, je repasserai. Comme une crêpe, je peux rapidement m’étaler. Cependant, chers lecteurs, je vous interdis formellement de me manger !

Mes binocles, je ne peux pas m’en passer. Pour la vie, elles et moi sommes liés. Si elles me sont si précieuses, c’est parce que de loin, je ne peux presque rien distinguer. Je vous jure : même une toute jeune taupe semble mieux se débrouiller. Je n’ai vraiment pas été gâté !

Je suis très vite contrarié, voire obsédé. Dans ces cas là, je ne peux rien contrôler. Une bombe se loge dans ma tête, elle est prête à exploser. Sans prévenir, je me mets à pleurer, à hurler. Je dis des mots que je ne pense pas, des atrocités. Croyez moi : mieux vaut vous épargner plutôt que de préciser. Dans de tels moments, il n’y a qu’une chose à faire : laisser l’orage passer …

Allez, j’arrête de me lamenter. Je penche peut-être comme la tour de Pise mais j’ai conservé ma matière grise ! Certains passants me disent que je suis un éclopé, qu’il me manque une case. Ces gens là sont tous des nazes.

Pendant sept ans, j’ai étudié. Maintenant, je suis heureux de travailler . Comme tout un chacun, je me suis fait une place dans la société. Ce fut laborieux mais mes efforts ont payé. Je n’ai absolument rien à regretter.

Oui, j’ai morflé par le passé. Ma venue au monde est pourtant la meilleure chose qu’il me soit arrivé. Ma mère m’a donné la vie, je ne la remercierai jamais assez. Je me fiche royalement de ce que vous pensez. Je ne veux pas de votre pitié. Je suis un homme comme un autre et je suis fier de le montrer !

 

Handicapé