Depuis plus de trente ans, je suis maître loyal. Pour rien au monde, je ne renoncerais à l’exercice de ce métier que je trouve absolument génial. Aujourd’hui, je vous emmène avec moi à Lyon pour applaudir les artistes. Je vous transporte sur la piste. Je ne vous décris pas tous les numéros mais seulement les meilleurs. Je les sélectionne avec soin, j’y mets tout mon cœur.

Se présente un jeune égyptien qui se met à tourner, tourner. Rien ne semble pouvoir l’arrêter. Dans le noir, je vois sa longue robe virevolter et scintiller. Cet homme fort talentueux me donne le tournis, je ne sais pas comment il fait. Son endurance force le respect1.

Une belle femme brésilienne lui succède, je suis carrément bluffé. Elle dresse quinze perroquets aras très colorés. Au-dessus des spectateurs, avec ses mots, elle leur demande de tournoyer. A ses côtés, sa petite tribu a également appris à jouer à la dînette et à se déplacer en trottinette. Cette professionnelle se creuse décidément beaucoup la tête !

Vient maintenant un couple d’allemands qui se changent en deux temps trois mouvements. Je ne vois qu’un rideau rouge sans comprendre ce qui se passe derrière, ce qui est vraiment frustrant. Je suis désolé, je ne peux pas vous en dire plus ni me positionner autrement2.

Pour sa part, le clown muet ne peut bien entendu pas parler. En revanche, grâce à lui, les plus petits ne cessent de rigoler. Après qu’il se soit retiré, d’étranges motards osent se présenter, pénétrer à l’intérieur de la roue de la mort. A l’endroit comme à l’envers, ils la parcourent encore et encore. Ils semblent galvanisés, montés sur ressorts.

Le final est assuré par une troupe de trapézistes volants que je juge époustouflants. J’ai peur pour eux mais lorsque le voltigeur réussit son salto avant, je m’en mets plein les yeux. Je n’ai mentionné aucun fauve traversant le cerceau enflammé. Vous le savez : depuis peu, ils nous faut les oublier3. Ce n’est pas grave : en une soirée, il est impossible de tout montrer !

Chers lecteurs, merci de m’avoir accordé un peu de votre temps. Je pense ne pas vous avoir retenus trop longtemps. Je l’ai fait pour la bonne cause, il vous en restera peut-être un petit quelque chose. Vous avez, j’ose l’espérer pu rêver un peu, vous évader. Vous avez vécu, je l’espère également, de belles émotions par procuration.

Ainsi s’achève la représentation de ce soir. Pendant de longues années, je compte bien continuer à sillonner les routes de France et de Navarre. Peut-être aurais-je l’immense plaisir de vous revoir ?

1Il s’agit d’un Derviche Tourneur. Ces artistes jouissent d’une grande popularité dans de très nombreux pays africains.

2Cette discipline spectaculaire est appelée quick change, l’adjectif anglais quick signifiant rapide.

3Depuis octobre 2021, une loi visant à lutter contre toute maltraitance animale interdit la présence d’animaux sauvages dans les cirques français.

 

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